Ghetto, hors-milieu, ghettoïsation, communautarisme... Certains, souvent des journalistes malveillants ou des politiciens qui ajoutent à leur compost électoral un soupçon d'homophobie , y ajoute l'adjectif anglais gay.
La petite histoire raconte que le terme gay est un acronyme pour Good As You. En français, on traduirait par : "aussi bon, aussi bien que toi". En clair, "je suis comme toi", gentil hétérosexuel qui n'a toujours pas bien compris que j'avais deux jambes, deux bras, une tête et le tout assemblé par un tronc.
Le hic, c'est que ces termes sont aussi repris par les pédés et les gouines eux/elles-mêmes. Combien de fois l'ai-je entendu. Et à chaque fois, c'est le même désespoir qui me gagne. Alors la morue barbue crie, s'énerve, débat et se débat pour convaincre ses pairs de ne pas utiliser ces mots à tort et surtout de travers.
Les mots ont le sens que l'on veut bien leur donner. Et souvent, trop à mon goût, ils sortent de la bouche de ceux-là mêmes qui vont dans le Marais ou sur des sites de rencontres, de convivialité pédé/gouine. Je m'étonne toujours de cette schizoprénie. Elle me scandalise en fait. Quand je ne me sens pas bien dans un endroit, je n'y vais plus. Ainsi, adolescent, quand mon sens critique s'est mis en branle, j'ai arrêté d'aller tous les dimanches à l'église, car ce que j'y entendais n'était plus humainement supportable. Cette communauté n'était pas la mienne, elle allait à l'encontre de mes valeurs. Plus assez humaine pour moi qui découvrais que j'étais pédé et que j'aimais bien l'être.
La communauté pédé n'a pas que des vertus, certes. Pas plus ou pas moins que les autres, à commencer par celle qui à-priori nous réunit tous, la République (comme disait Roselyne Bachelot lors des débats sur le Pacs à l'assemblée nationale). C'est justement cet excès bien français de "républicanisme" chronique qui m'exaspère chez bon nombre de pédés. Cette idée que nous n'avons qu'une seule communauté, la République. Voilà une bonne façon de gommer les différences, de laisser croire que nous sommes tous égaux. Le "Liberté, Egalité, Fraternité" gravé sur le fronton des mairies est une utopie à laquelle nous devons croire sans relâche. Mais force est de constater que nous en sommes loin.
Je préfère croire que la république est un assemblage de petites communautés. Nous en rejoignons certaines car, par moments, la vie nous pousse à y trouver du réconfort, de l'aide, parce qu'elles nous sont familières, parce que nous y avons trouvé de la chaleur humaine. Tout bêtement, parce qu'elle nous ont rendu plus forts grâce à la transmission de savoirs, d'expériences d'aînés bienveillants qui nous ont aidé à accepter nos différences.
J'ai deux communautés principales. J'aime cette idée d'avoir plusieurs communautés.
La communauté pédé et la communauté portugaise.
La portugaise, car j'y suis né. La pédé parce que je le suis.
La communauté portugaise, composée d'immigrés, est celle où je suis né. La langue, les coutumes auxquelles j'avais été habituées étaient différentes de celles où mes parents m'avaient fait naître et être, la France. Première confrontation avec la différence. Comme un pull en laine, cette communauté, à force de l'avoir sur le dos et tout aussi chaude qu'elle était, a fini par me démanger, par m'irriter, me faire bouillir. J'ai fini par l'ôter. Je l'ai mis au placard. Parfois, quand il est entre-ouvert, je le regarde avec nostalgie, de loin. Quand je m'en approche, c'est pour le disséquer, pour essayer de comprendre comment ses fils ont été tricotés. Mais le pull a des trous, s'est effiloché et je ne sais toujours pas comment le repriser.
Quand je n'étais alors qu'un jeune cabillaud sans barbe, rencontrer d'autres pédés m'a apporté du réconfort. Mon cercle familial étant hostile à l'homosexualité, il était vital d'avoir la possibilité d'exprimer cette part de moi, quelque part. C'est avec les pédés que j'ai trouvé cette possibilité et surtout la force d'être visible "à l'extérieur".
Alors, oui. Je déteste entendre les pédés parler de "milieu gay", de "ghetto". Des termes négatifs et restrictifs qui prouvent qu'ils ont oublié à quel point elle a été réconfortante, et qu'elle peut encore l'être pour d'autres, plus jeunes, encore fragiles.
La communauté pédé a les frontières et la forme que l'on veut lui donner. Nous ne sommes pas obligés de tout aimer, de tout accepter, de suivre les tendances. Ma communauté pédé à moi s'arrête là où la logique commerciale, économique a pris le pas sur l'humain. Je vais dans le Marais, mais je n'y fais pas mes courses. Ma communauté dépasse les limites géographiques du Marais. Dans ma communauté pédé, il y a des associations où j'ai longtemps milité, il y a mes amis, des connaissances, il y a des artistes, il y a des bears, des folles, des travelos , des hétérosexuels. Partout où je vais j'apporte ma communauté avec moi,.C'est une présence réconfortante.
Ces termes sont à combattre. Leur utilisation prouve que l'homophobie est encore très présente, que certains d'entre nous l'ont intégrée dans leur discours, dans leur vie. Il n'y a que quelques amis avec qui je m'amuse à dire que je vais dans le ghetto. Car ils ont compris le vrai sens du mot communauté. Ils ont compris qu'une communauté n'était un endroit clos, d'où l'on ne pouvait pas sortir sous peine d'être répudié.
Le mot communauté a pris un vrai sens à partir du moment où j'ai compris que le seul communautarisme existant était celui de l'argent et de la religion. C'est autour de la notion économique ou religieuse que les communautarismes se forment. Les deux sont souvent liés. Non pas autour d'une identité de genre ou ethnique.
= la morue barbue =
PS : GHETTO, subst. masc. A. − [Dans certaines villes d'Europe, du Moy. Âge au xixe s., et à l'époque moderne sous le régime nazi, principalement en Europe orientale] Quartier où les Juifs étaient tenus de résider, isolés du reste de la population et étroitement surveillés. Le ghetto de Venise.
La petite histoire raconte que le terme gay est un acronyme pour Good As You. En français, on traduirait par : "aussi bon, aussi bien que toi". En clair, "je suis comme toi", gentil hétérosexuel qui n'a toujours pas bien compris que j'avais deux jambes, deux bras, une tête et le tout assemblé par un tronc.
Le hic, c'est que ces termes sont aussi repris par les pédés et les gouines eux/elles-mêmes. Combien de fois l'ai-je entendu. Et à chaque fois, c'est le même désespoir qui me gagne. Alors la morue barbue crie, s'énerve, débat et se débat pour convaincre ses pairs de ne pas utiliser ces mots à tort et surtout de travers.
Les mots ont le sens que l'on veut bien leur donner. Et souvent, trop à mon goût, ils sortent de la bouche de ceux-là mêmes qui vont dans le Marais ou sur des sites de rencontres, de convivialité pédé/gouine. Je m'étonne toujours de cette schizoprénie. Elle me scandalise en fait. Quand je ne me sens pas bien dans un endroit, je n'y vais plus. Ainsi, adolescent, quand mon sens critique s'est mis en branle, j'ai arrêté d'aller tous les dimanches à l'église, car ce que j'y entendais n'était plus humainement supportable. Cette communauté n'était pas la mienne, elle allait à l'encontre de mes valeurs. Plus assez humaine pour moi qui découvrais que j'étais pédé et que j'aimais bien l'être.
La communauté pédé n'a pas que des vertus, certes. Pas plus ou pas moins que les autres, à commencer par celle qui à-priori nous réunit tous, la République (comme disait Roselyne Bachelot lors des débats sur le Pacs à l'assemblée nationale). C'est justement cet excès bien français de "républicanisme" chronique qui m'exaspère chez bon nombre de pédés. Cette idée que nous n'avons qu'une seule communauté, la République. Voilà une bonne façon de gommer les différences, de laisser croire que nous sommes tous égaux. Le "Liberté, Egalité, Fraternité" gravé sur le fronton des mairies est une utopie à laquelle nous devons croire sans relâche. Mais force est de constater que nous en sommes loin.
Je préfère croire que la république est un assemblage de petites communautés. Nous en rejoignons certaines car, par moments, la vie nous pousse à y trouver du réconfort, de l'aide, parce qu'elles nous sont familières, parce que nous y avons trouvé de la chaleur humaine. Tout bêtement, parce qu'elle nous ont rendu plus forts grâce à la transmission de savoirs, d'expériences d'aînés bienveillants qui nous ont aidé à accepter nos différences.
J'ai deux communautés principales. J'aime cette idée d'avoir plusieurs communautés.
La communauté pédé et la communauté portugaise.
La portugaise, car j'y suis né. La pédé parce que je le suis.
La communauté portugaise, composée d'immigrés, est celle où je suis né. La langue, les coutumes auxquelles j'avais été habituées étaient différentes de celles où mes parents m'avaient fait naître et être, la France. Première confrontation avec la différence. Comme un pull en laine, cette communauté, à force de l'avoir sur le dos et tout aussi chaude qu'elle était, a fini par me démanger, par m'irriter, me faire bouillir. J'ai fini par l'ôter. Je l'ai mis au placard. Parfois, quand il est entre-ouvert, je le regarde avec nostalgie, de loin. Quand je m'en approche, c'est pour le disséquer, pour essayer de comprendre comment ses fils ont été tricotés. Mais le pull a des trous, s'est effiloché et je ne sais toujours pas comment le repriser.
Quand je n'étais alors qu'un jeune cabillaud sans barbe, rencontrer d'autres pédés m'a apporté du réconfort. Mon cercle familial étant hostile à l'homosexualité, il était vital d'avoir la possibilité d'exprimer cette part de moi, quelque part. C'est avec les pédés que j'ai trouvé cette possibilité et surtout la force d'être visible "à l'extérieur".
Alors, oui. Je déteste entendre les pédés parler de "milieu gay", de "ghetto". Des termes négatifs et restrictifs qui prouvent qu'ils ont oublié à quel point elle a été réconfortante, et qu'elle peut encore l'être pour d'autres, plus jeunes, encore fragiles.
La communauté pédé a les frontières et la forme que l'on veut lui donner. Nous ne sommes pas obligés de tout aimer, de tout accepter, de suivre les tendances. Ma communauté pédé à moi s'arrête là où la logique commerciale, économique a pris le pas sur l'humain. Je vais dans le Marais, mais je n'y fais pas mes courses. Ma communauté dépasse les limites géographiques du Marais. Dans ma communauté pédé, il y a des associations où j'ai longtemps milité, il y a mes amis, des connaissances, il y a des artistes, il y a des bears, des folles, des travelos , des hétérosexuels. Partout où je vais j'apporte ma communauté avec moi,.C'est une présence réconfortante.
Ces termes sont à combattre. Leur utilisation prouve que l'homophobie est encore très présente, que certains d'entre nous l'ont intégrée dans leur discours, dans leur vie. Il n'y a que quelques amis avec qui je m'amuse à dire que je vais dans le ghetto. Car ils ont compris le vrai sens du mot communauté. Ils ont compris qu'une communauté n'était un endroit clos, d'où l'on ne pouvait pas sortir sous peine d'être répudié.
Le mot communauté a pris un vrai sens à partir du moment où j'ai compris que le seul communautarisme existant était celui de l'argent et de la religion. C'est autour de la notion économique ou religieuse que les communautarismes se forment. Les deux sont souvent liés. Non pas autour d'une identité de genre ou ethnique.
= la morue barbue =
PS : GHETTO, subst. masc. A. − [Dans certaines villes d'Europe, du Moy. Âge au xixe s., et à l'époque moderne sous le régime nazi, principalement en Europe orientale] Quartier où les Juifs étaient tenus de résider, isolés du reste de la population et étroitement surveillés. Le ghetto de Venise.
5 commentaires:
A NY, à Gramercy Park, deux jeunes et belles personnes (une fille et un garçon), nous demandant si nous voulions signer une pétition pour la défense des droits des "gays and lesbians", parce qu'ils étaient "proud", et que nous devions nous aussi être "proud" de signer une telle pétition, en faisant un don de 10, 20 ou 30 $. Mon amie J. leur a dit qu'elle ne voyait pas en quoi il y avait à être "proud"... et que décidément aux States, il fallait toujours payer. J'ai ajouté que nous étions deux Françaises un peu dépressives et pas du tout dans la "proudness". J'ai préféré mettre de côté ma lusitanité (comme tu le dis si bien, "au placard"), ça l'aurait sans doute embrouillé le jeune homme.
Trouvé ça sur le Net : http://www.lusotopie.sciencespobordeaux.fr/cahen.pdf
Oui, je peux comprendre votre étonnement, voire votre agacement. En France ont du mal avec la "fierté".
Mais une petite explication s'impose. Il ne s'agit pas tant d'être "fier" que de ne pas avoir "honte" de ce que l'on est.
Il y a un glissement sémantique en français qui fait que l'on passe de la "non-honte" à la "fierté". Terme qui en français a un sens bien plus fort qu'en anglais. Pride en anglais s'entend le plus souvent comme : le sentiment de respect que l'on a de soi-même. Alors que la fierté en français est plus souvent synonyme de hauteur, de noblesse que d'amour propre.
oui, bien sûr l'auto-estime,"3. Feeling or showing justifiable self-respect", c'est primordial; le "proud" n'aura pas nécessairement le côté altier et hautain (ferus, sauvage) du "fier", mais il peut, si j'en crois cette définition (piochée sur le Net), être lui aussi "4. Filled with or showing excessive self-esteem."
Je me demande si le "be proud of being a French supporting our cause" correspond à l'acception 3) ou 4).
So, let's be proud (sans en être fiers) of our portuguese origins too... ;-)
Lucia,
Et bien peut être que ces deux jeunes gens sont dans un excès de "pride" (acception 4). Passage sans doute obligé pour des gamins en pleine prise de conscience de leur sexualité. Demande d'appui de leur part car c'est un pays très conservateur. Les USA ont sans doute le prix de la visibilité homo, mais le pays n'en reste pas moins hostile. J'écris ça, histoire de remettre dans un contexte, une situation donnée.
" So, let's be proud (sans en être fiers) of our portuguese origins too... ;-)" a écrit Lucia
Il y a malentendu, Lucia. Je suis portugais, c'est bien l'identité que je mets en avant, même si j'ai deux pièces d'identité. C'est elle qui me caractérise le plus souvent. Arlindo, mon prénom, la met en exergue.
Je n'ai pas besoin d'en être fier et encore moins de ne pas en avoir honte.
Je ne suis pas d'origine portugaise. Je suis portugais. Il n'y a rien de plus clair.
Par contre, et je ne crois pas que cela s'oppose, je suis très critique vis-à-vis de ma communauté, la portugaise, ici en France. Comme je le suis de l'autre, la communauté pédé.
PS : j'aime bien nos débats.
Enregistrer un commentaire