mercredi 24 septembre 2008

CHEIKH LESTRADE 1


Je viens de finir le journal de campagne de Didier Lestrade. iI y a 5 minutes. Je suis scotché et énervé. Ce livre m'a tenu en haleine pendant trois jours me faisant oublier le ménage et tout le rangement à la maison. Ces trois jours que je voulais mettre à profit avant de reprendre le boulot. iI est presque midi, ce mercredi matin. Je dois partir dans une demi-heure pour rejoindre Rodolphe, mon ex-amoureux, mon ami le plus cher. Et Didier me scotche à nouveau devant l'ordinateur. Et ça me fait chier parce que j'ai envie de lui répondre, là maintenant, de suite. Parce que j'ai envie de lui dire combien sur de nombreux points, il a tort. En fait, j'aimerais qu'il ait tort. Il m'énerve quand il pose de manière théâtrale dans la posture du cheikh, du prophète. Parce que je le trouve ridicule dans cette attitude surfaite. Je ne connais pas beaucoup Didier, mais je l'ai assez côtoyé lors des RH d'act up pour savoir que c'est une gars simple et sincère. Dur mais sincère. De cette dureté que l'on a le devoir de se permettre quand on aime. Il a la dureté de ces questions toutes simples qui font mouche et mal. Mais qui nous apaisent, une fois posées. Ca me fait mal au cul, mais je dois dire merci à Didier. juste parce que ça fait longtemps que je n'ai pas été pris de cette manière par un livre. par cette boulimie intellectuelle. Par cette nécessité impérieuse de débat et de confrontation d'idées, une fois son livre refermé. Parce qu'il est plus qu'urgent de se remettre en cause et à débattre à une époque où le consensus règne en maître. Au travail!

mardi 23 septembre 2008

CHEIKH LESTRADE

Voilà quelques jours que je suis en pleine lecture de "Cheikh, un journal de campagne" de Didier Lestrade. Ce livre m'obsède tellement que j'ai la tête ailleurs et que mon humeur s'en ressent. Mon mari me demande si je ne déprime pas et je n'ose pas lui avouer que c'est Didier Lestrade qui me fout dans cet état.
Le livre est sorti il y a plus d'un an maintenant et je m'étais promis de ne pas l'acheter. Le voler aux Mots à la Bouche ou à la rigueur l'emprunter à la bibliothèque municipale. Après la lecture, partielle je l'avoue, de ses précédents ouvrages je ne voulais pas aider à la rémunération de DL (même si ce ne sont que 2 ou 3 euros de droits d'auteurs). DL est devenu une sorte de Houellebecq pédé opérant des raccourcis ravageurs avec une logique assez candide.
Pourtant, j'ai acheté le livre. Toujours décidé à ne pas financer DL, j'ai l'ai trouvé en seconde main chez Gibert. 8,80 € au lieu de 22. Soit 13,20€ en moins, ce qui est une fortune pour moi qui ne gagne que 750 € par mois.
C'est Thoreau qui a été le catalyseur de mon intérêt. Qu'a donc DL à dire sur l'auteur de Walden? J'ai été surpris de découvrir des pages sur la décroissance. Une thématique qui m'est proche car je deviens peu à peu objecteur de croissance, par la force des choses (je ne gagne que très peu ma vie et j'essaye de me contenter de ce que j'ai). Mais aussi par dépit car les partis politiques, y compris une grosse partie des Verts, n'ont toujours pas compris les enjeux à venir en ce qui concerne la limite de l'utilisation des ressources naturelles. Ils s'obstinent à convaincre à coups d'expression comme "développement durable" qu'un équilibre existe entre capitalisme et préservation des ressources planétaires.
Mais revenons plutôt à la campagne et à DL.
Il y a un mois, je discutais sur un site bear avec un bon ami de DL, Jean Marc. Ce garçon merveilleux venait de me faire découvrir un poète américain tout aussi merveilleux, John Giorno. Au cours de la discussion, nous avons parlé de Didier, il m'a demandé ce que je pensais de lui. J'ai répondu : "je l'aime autant que je le déteste".

J'ai hâte de finir Cheikh. DL a le don de me foutre en boule autant qu'il m'émerveille. Trop de choses à dire sur ce livre à la structure sinusoïdal. Montée, descente, montée, descente. L'effet d'un ecsta. Je déambule, perché, le long des pages où DL décrit la nature qui l'entoure, les nuages, le travail de la terre, son travail acharné pour façonner un coin de Normandie qu'il a fait sien. Puis, c'est la descente vers des sentiments acides à l'encontre de la communauté pédé parisienne. Et l'on revient à des descriptions aux accents stendhaliens où DL s'émerveille du changement de couleur d'une pierre après la pluie, and so on.

Ce livre ressemble aux puces de Montreuil. On espère y trouver l'objet rare que l'on attend depuis longtemps, mais il faut, avant, dégager le tas d'immondices, d'objets rouillés et potentiellement blessants. Quelque fois, le regard et les doigts s'arrêtent pour scruter de plus près une pièce peut-être intéressante, mais on la repose déçu de voir qu'elle est en toc. Décroissance, communauté pédé, postérité, prophétie, communauté idéale, bears sont autant de thèmes sur lesquels je reviendrai sans doute. Didier Lestrade veut que les pédés s'interrogent plus. Relevons le défi.

= la morue barbue =

samedi 20 septembre 2008

GHETTO GAY (sic)


Ghetto, hors-milieu, ghettoïsation, communautarisme... Certains, souvent des journalistes malveillants ou des politiciens qui ajoutent à leur compost électoral un soupçon d'homophobie , y ajoute l'adjectif anglais gay.
La petite histoire raconte que le terme gay est un acronyme pour Good As You. En français, on traduirait par : "aussi bon, aussi bien que toi". En clair, "je suis comme toi", gentil hétérosexuel qui n'a toujours pas bien compris que j'avais deux jambes, deux bras, une tête et le tout assemblé par un tronc.

Le hic, c'est que ces termes sont aussi repris par les pédés et les gouines eux/elles-mêmes. Combien de fois l'ai-je entendu. Et à chaque fois, c'est le même désespoir qui me gagne. Alors la morue barbue crie, s'énerve, débat et se débat pour convaincre ses pairs de ne pas utiliser ces mots à tort et surtout de travers.
Les mots ont le sens que l'on veut bien leur donner. Et souvent, trop à mon goût, ils sortent de la bouche de ceux-là mêmes qui vont dans le Marais ou sur des sites de rencontres, de convivialité pédé/gouine. Je m'étonne toujours de cette schizoprénie. Elle me scandalise en fait. Quand je ne me sens pas bien dans un endroit, je n'y vais plus. Ainsi, adolescent, quand mon sens critique s'est mis en branle, j'ai arrêté d'aller tous les dimanches à l'église, car ce que j'y entendais n'était plus humainement supportable. Cette communauté n'était pas la mienne, elle allait à l'encontre de mes valeurs. Plus assez humaine pour moi qui découvrais que j'étais pédé et que j'aimais bien l'être.
La communauté pédé n'a pas que des vertus, certes. Pas plus ou pas moins que les autres, à commencer par celle qui à-priori nous réunit tous, la République (comme disait Roselyne Bachelot lors des débats sur le Pacs à l'assemblée nationale). C'est justement cet excès bien français de "républicanisme" chronique qui m'exaspère chez bon nombre de pédés. Cette idée que nous n'avons qu'une seule communauté, la République. Voilà une bonne façon de gommer les différences, de laisser croire que nous sommes tous égaux. Le "Liberté, Egalité, Fraternité" gravé sur le fronton des mairies est une utopie à laquelle nous devons croire sans relâche. Mais force est de constater que nous en sommes loin.
Je préfère croire que la république est un assemblage de petites communautés. Nous en rejoignons certaines car, par moments, la vie nous pousse à y trouver du réconfort, de l'aide, parce qu'elles nous sont familières, parce que nous y avons trouvé de la chaleur humaine. Tout bêtement, parce qu'elle nous ont rendu plus forts grâce à la transmission de savoirs, d'expériences d'aînés bienveillants qui nous ont aidé à accepter nos différences.
J'ai deux communautés principales. J'aime cette idée d'avoir plusieurs communautés.
La communauté pédé et la communauté portugaise.
La portugaise, car j'y suis né. La pédé parce que je le suis.
La communauté portugaise, composée d'immigrés, est celle où je suis né. La langue, les coutumes auxquelles j'avais été habituées étaient différentes de celles où mes parents m'avaient fait naître et être, la France. Première confrontation avec la différence. Comme un pull en laine, cette communauté, à force de l'avoir sur le dos et tout aussi chaude qu'elle était, a fini par me démanger, par m'irriter, me faire bouillir. J'ai fini par l'ôter. Je l'ai mis au placard. Parfois, quand il est entre-ouvert, je le regarde avec nostalgie, de loin. Quand je m'en approche, c'est pour le disséquer, pour essayer de comprendre comment ses fils ont été tricotés. Mais le pull a des trous, s'est effiloché et je ne sais toujours pas comment le repriser.
Quand je n'étais alors qu'un jeune cabillaud sans barbe, rencontrer d'autres pédés m'a apporté du réconfort. Mon cercle familial étant hostile à l'homosexualité, il était vital d'avoir la possibilité d'exprimer cette part de moi, quelque part. C'est avec les pédés que j'ai trouvé cette possibilité et surtout la force d'être visible "à l'extérieur".

Alors, oui. Je déteste entendre les pédés parler de "milieu gay", de "ghetto". Des termes négatifs et restrictifs qui prouvent qu'ils ont oublié à quel point elle a été réconfortante, et qu'elle peut encore l'être pour d'autres, plus jeunes, encore fragiles.
La communauté pédé a les frontières et la forme que l'on veut lui donner. Nous ne sommes pas obligés de tout aimer, de tout accepter, de suivre les tendances. Ma communauté pédé à moi s'arrête là où la logique commerciale, économique a pris le pas sur l'humain. Je vais dans le Marais, mais je n'y fais pas mes courses. Ma communauté dépasse les limites géographiques du Marais. Dans ma communauté pédé, il y a des associations où j'ai longtemps milité, il y a mes amis, des connaissances, il y a des artistes, il y a des bears, des folles, des travelos , des hétérosexuels. Partout où je vais j'apporte ma communauté avec moi,.C'est une présence réconfortante.
Ces termes sont à combattre. Leur utilisation prouve que l'homophobie est encore très présente, que certains d'entre nous l'ont intégrée dans leur discours, dans leur vie. Il n'y a que quelques amis avec qui je m'amuse à dire que je vais dans le ghetto. Car ils ont compris le vrai sens du mot communauté. Ils ont compris qu'une communauté n'était un endroit clos, d'où l'on ne pouvait pas sortir sous peine d'être répudié.
Le mot communauté a pris un vrai sens à partir du moment où j'ai compris que le seul communautarisme existant était celui de l'argent et de la religion. C'est autour de la notion économique ou religieuse que les communautarismes se forment. Les deux sont souvent liés. Non pas autour d'une identité de genre ou ethnique.

= la morue barbue =


PS :
GHETTO, subst. masc. A. − [Dans certaines villes d'Europe, du Moy. Âge au xixe s., et à l'époque moderne sous le régime nazi, principalement en Europe orientale] Quartier où les Juifs étaient tenus de résider, isolés du reste de la population et étroitement surveillés. Le ghetto de Venise.

mardi 16 septembre 2008

Christophe Colomb, portugais? Est-ce important?


Lundi, nous sortons du cinéma avec Maria et Rodolphe. Une petite salle du côté de Bastille a diffusé " Christophe Colomb, une énigme " de Manoel de Oliveira. Le titre du film fait penser à un documentaire historique. Colomb est un débat vraisemblablement important pour les Portugais qui tentent à coups de recherches historiques de s'approprier la parternité du célèbre "découvreur" de l'Amérique.
Le débat s'engage avec Maria. Chacun sa lecture subjective du film. Maria juge importante l'idée de savoir que Christophe Colomb est peut-être portugais. Ce serait un changement dans la lecture de l'histoire du Portugal.
Je pense que non.
Durant la séance, je trépigne, sereinement, mais je trépigne. Oliveira fait-il partie de ceux qui trouvent cette donnée qui secoue le Portugal importante? Cela restera une énigme.

Après la séance et la discussion, je jubile et je fais le même constat amer.
Je jubile de savoir qu'un cinéaste presque centenaire s'amuse à utiliser un débat "primordial" pour ses pairs pour parler de lui, de l'énigme de l'amour, et de son amour pour le cinéma. Cet amant que sa femme "accepte" depuis plus de 40 ans. Au fond qu'importe que Colomb soit portugais... C'est ma lecture personnelle du film, poussé par le doute que Oliveira laisse planer. Il laisse ainsi ouverte la porte à toutes les interprétations sur l'éventuelle ascendance portugaise de Christophe Colomb. Puisqu'Oliveira me le permet, je crois (j'ose espérer) qu'il se joue de cette fierté exacerbée qu'ont les Portugais pour leur pays. Un pays qui encore aujourd'hui pour des raisons purement publicitéro-footballistiques (donc aussi économiques) joue sur le sentiment d'appartenance forte à une nation. Un pays qui encore aujourd'hui préfère se tourner vers son histoire ancienne, idéalisée, mythifiée, plutôt que de tirer les leçons de son passé dictatorial tout proche.
Et puis je fais le même constat amer. Plus je rencontre mes pairs fils d'immigrés ou immigrés portugais (je suis fils d'immigrés portugais, portugais et français), plus je me désole de voir à quel point les fameux "luso-descendants" sont pris dans les filets de leur histoire ancienne. Ce mythe d'un passé glorieux, où le Portugal, ce petit pays à la pointe occidentale de l'Europe, était grand. Ils continuent ainsi à nourrir un mythe, qui a pris une forme particulière que l'on appelle saudade que les immigrés portugais trimballent derrière eux. On peut se dire que c'est un fardeau assez lourd à porter, mais je ne connais que les Portugais pour réussir à transformer cet héritage, plutôt triste, en bouée de sauvetage dans le flot des allées et venues entre leur pays natal et leurs pays d'émigration.
Je ne suis pas luso-descendant. Je suis fils d'immigrés. Je me sens immigré. Juste parce cet immigration même si je ne l'ai pas vécu, je la porte en moi. Voilà l'héritage avec lequel je me débats tous les jours. Mes parents ont migré. Mes parents ne m'ont jamais vanté les splendeurs du Portugal des découvertes. Parce qu'ils ne sont pas allés à l'école ou si peu. Parce qu'ils ne savaient peut-être pas. Alors oui, je me fous de savoir si Christophe Colomb était portugais ou non. Car ce qui m'importe au fond ce n'est pas de mettre en valeur les splendeurs passées de mon pays, mais de mettre en exergue les raisons pour lesquelles mes parents sont partis du Portugal. Ils en sont partis non pas parce qu'ils avaient une âme colombesque, une âme de descobridor (comme les mythes portugais pourraient nous le faire croire) mais parce qu'ils avaient bêtement besoin d'argent pour payer une putain de maison qu'ils avaient fait construire.

Alors oui, Maria, le fait de savoir si Colomb est portugais ou non, me laisse froid. Cela ne changera pas la face du monde, en tout cas pour moi.

= la morue barbue =