Voilà quelques jours que je suis en pleine lecture de "Cheikh, un journal de campagne" de Didier Lestrade. Ce livre m'obsède tellement que j'ai la tête ailleurs et que mon humeur s'en ressent. Mon mari me demande si je ne déprime pas et je n'ose pas lui avouer que c'est Didier Lestrade qui me fout dans cet état.
Le livre est sorti il y a plus d'un an maintenant et je m'étais promis de ne pas l'acheter. Le voler aux Mots à la Bouche ou à la rigueur l'emprunter à la bibliothèque municipale. Après la lecture, partielle je l'avoue, de ses précédents ouvrages je ne voulais pas aider à la rémunération de DL (même si ce ne sont que 2 ou 3 euros de droits d'auteurs). DL est devenu une sorte de Houellebecq pédé opérant des raccourcis ravageurs avec une logique assez candide.
Pourtant, j'ai acheté le livre. Toujours décidé à ne pas financer DL, j'ai l'ai trouvé en seconde main chez Gibert. 8,80 € au lieu de 22. Soit 13,20€ en moins, ce qui est une fortune pour moi qui ne gagne que 750 € par mois.
C'est Thoreau qui a été le catalyseur de mon intérêt. Qu'a donc DL à dire sur l'auteur de Walden? J'ai été surpris de découvrir des pages sur la décroissance. Une thématique qui m'est proche car je deviens peu à peu objecteur de croissance, par la force des choses (je ne gagne que très peu ma vie et j'essaye de me contenter de ce que j'ai). Mais aussi par dépit car les partis politiques, y compris une grosse partie des Verts, n'ont toujours pas compris les enjeux à venir en ce qui concerne la limite de l'utilisation des ressources naturelles. Ils s'obstinent à convaincre à coups d'expression comme "développement durable" qu'un équilibre existe entre capitalisme et préservation des ressources planétaires.
Mais revenons plutôt à la campagne et à DL.
Il y a un mois, je discutais sur un site bear avec un bon ami de DL, Jean Marc. Ce garçon merveilleux venait de me faire découvrir un poète américain tout aussi merveilleux, John Giorno. Au cours de la discussion, nous avons parlé de Didier, il m'a demandé ce que je pensais de lui. J'ai répondu : "je l'aime autant que je le déteste".
J'ai hâte de finir Cheikh. DL a le don de me foutre en boule autant qu'il m'émerveille. Trop de choses à dire sur ce livre à la structure sinusoïdal. Montée, descente, montée, descente. L'effet d'un ecsta. Je déambule, perché, le long des pages où DL décrit la nature qui l'entoure, les nuages, le travail de la terre, son travail acharné pour façonner un coin de Normandie qu'il a fait sien. Puis, c'est la descente vers des sentiments acides à l'encontre de la communauté pédé parisienne. Et l'on revient à des descriptions aux accents stendhaliens où DL s'émerveille du changement de couleur d'une pierre après la pluie, and so on.
Ce livre ressemble aux puces de Montreuil. On espère y trouver l'objet rare que l'on attend depuis longtemps, mais il faut, avant, dégager le tas d'immondices, d'objets rouillés et potentiellement blessants. Quelque fois, le regard et les doigts s'arrêtent pour scruter de plus près une pièce peut-être intéressante, mais on la repose déçu de voir qu'elle est en toc. Décroissance, communauté pédé, postérité, prophétie, communauté idéale, bears sont autant de thèmes sur lesquels je reviendrai sans doute. Didier Lestrade veut que les pédés s'interrogent plus. Relevons le défi.
= la morue barbue =